J'avais déjà lu Fatherland il y a quelques années, en français me semble-t-il, et j'en avais gardé un bon souvenir. C'est la lecture de [b:L'Histoire Revisitee: Panorama de L'Uchronie Sous Toutes Ses Formes 6855364 L'Histoire Revisitee Panorama de L'Uchronie Sous Toutes Ses Formes Eric B. Henriet https://images.gr-assets.com/books/1522941740s/6855364.jpg 7069065], un livre passionnant et une véritable bible sur l'uchronie, qui m'a donné envie de relire ce roman de Robert Harris, en anglais cette fois.Le résumé plante tout de suite le décor de ce roman hors normes :What if Hitler had won the war?It is April 1964 and one week before Hitler's 75th birthday. Xavier March, a detective of the Kriminalpolizei, is called out to investigate the discovery of a dead body in a lake near Berlin's most prestigious suburb.As March discovers the identity of the body, he uncovers signs of a conspiracy that could go to the very top of the German Reich. And, with the Gestapo just one step behind, March, together with an American journalist, is caught up in a race to discover and reveal the truth – a truth that has already killed, a truth that could topple governments, a truth that will change history.L'action du roman se déroule en 1964, dans une Allemagne fictive qui a remporté la Seconde Guerre Mondiale mais qui continue depuis deux décennies d'affronter à l'Est ce qu'il reste de l'Union Soviétique et qui vit une sorte de guerre froide avec les Etats-Unis d'Amérique depuis la fin du conflit mondial.Le décor étant posé, le roman se présente comme un polar que je serais tenté de très classique s'il n'y avait justement pas tout ce cadre original autour. Le récit commence par la découverte d'un corps non identifié dans un lac berlinois. L'inspecteur Xavier March, officier SS désabusé et mal vu par le régime, est chargé de l'enquête.J'ai bien aimé la double nature du roman, entre polar classique et chronic passionnante. L'enquête elle-même m'a semblé relativement classique, mais son cadre géographique et « historique » changent évidemment tout. La ville de Berlin décrite par Robert Harris est celle imaginée par Albert Speer, l'architecte proche d'Hitler qui avait conçu le projet pharamineux de « Germania ». L'idée d'un Troisième Reich toujours en place au milieu des années 1960 et à la tête d'une communauté européenne qui lui est inféodée a évidemment quelque chose de glaçant qui rend la lecture du roman à la fois passionnante et inquiétante.« Leaving the Arch we enter the central section of the Avenue of Victory. The Avenue was designed by Reich Minister Albert Speer and was completed in 1957. It is one hundred and twenty-three metres wide and five-point- six kilometres in length. It is both wider, and two and a half times longer, than the Champs Elysées in Paris. »Higher, longer, bigger, wider, more expensive ... Even in victory, thought March, Germany has a parvenu's inferiority complex. Nothing stands on its own. Everything has to be compared with what the foreigners have ...Il est difficile de parler de ce roman et de ses thématiques, sans révéler certains aspects du récit, je vais tout de même essayer de le faire du mieux possible. L'un des mystères du récit porte sur la destinée, dans cette histoire alternative, des millions de juifs allemands et européens qui ont disparu après avoir été envoyé à l'Est. Le silence autour de l'Holocauste est pesant dans le roman et c'est d'ailleurs l'un des thèmes forts abordés par Robert Harris dans son texte. Les personnages vivent dans un Troisième Reich où tous les juifs ont disparu sans explication crédible et où personne ne pose la moindre question. Tout le monde, par son silence, devient ainsi complice d'un crime de masse.And five years from now, or fifty years, this society will fall apart. You can't build on a mass grave. Human beings are better than that – they have to be better than that – I do believe it – don't you ?Avec ce roman, Robert Harris avait réussi un coup de maître, alliant polar et uchronie avec une dextérité remarquable. En tant que lecteur, j'ai été pris dans le récit du début à la fin, avec une enquête classique mais efficace et surtout un cadre original permettant l'apparition de véritables enjeux, une immersion glaçante, et une réflexion réussie sur la vérité, notamment historique.
J'ai parlé ici fin juillet de [b:Reunion 270043 Reunion Fred Uhlman https://images.gr-assets.com/books/1320467334s/270043.jpg 1063910] de Fred Uhlman, dont j'ai appris par la suite grâce à Matoo qu'il a été publié en français sous le titre L'ami retrouvé et qu'il s'agit d'une classique souvent étudié au collège. Pour ma part, je n'ai découvert et lu que très récemment cet excellent roman sur l'Allemagne des années trente. Je me suis ensuite renseigné sur l'oeuvre de Fred Uhlman et j'ai découvert l'existence d'une sorte de suite à Reunion, intitulée La lettre de Conrad.C'est ce roman que je viens de terminer, dans une édition où il est suivi par un autre court roman : Pas de résurrection, s'il vous plaît.Ce bref et bouleversant roman, une suite de L'Ami retrouvé – qui valut à Uhlman sa célébrité – ne fut publié, à la demande de l'auteur, qu'après sa mort.Quelques jours avant d'être exécuté en 1944 pour avoir participé au complot contre Hitler, Conrad von Hohenfels écrit à Hans Schwarz, son ami d'enfance. La guerre a séparé les deux adolescents parce que Hans était juif. Dans cette lettre, Conrad tente de justifier ses choix et ses erreurs passés et de demander pardon à Hans avec qui il partagea autrefois tant de moments de bonheur exaltant.Bien que les personnages en soient différents Pas de résurrection, s'il vous plaît constituait, dans l'esprit d'Uhlman, une sorte de troisième volet à L'Ami retrouvé et à La lettre de Conrad.La lettre de Conrad est clairement un complément à Reunion. Là où le premier roman racontait l'histoire de Hans, jeune adolescent juif qui devait fuir l'Allemagne pour les Etats-Unis pour échapper aux persécutions du nouveau régime nazi, La lettre de Conrad relate la version de son ami aristocrate qui l'avait trahi avant son départ pour New-York.Ce parti pris fait qu'il y a des redites, des éléments du récit qui ont déjà été présentés dans Reunion. Dans certains cas, il y a clairement une redondance, dans d'autres cas cela apporte un nouveau point de vie intéressant.La destinée exceptionnelle de Conrad, et sa personnalité, telle qu'il la laisse apparaître dans cette longue lettre à son ancien ami, apportent beaucoup au texte, qui m'a passionné.La fin, cependant, m'a semblé précipitée, presque bâclée. Peut-être était-ce une volonté de l'auteur pour montrer l'urgence dans laquelle Conrad se trouvait pour terminer sa lettre avant son exécution, mais j'aurais aimé que le récit comporte quelques pages supplémentaires pour accorder autant de finesse et souci du détail que le début du récit.Malgré ce défaut, La lettre de Conrad est un court roman de grande qualité, un complément parfait à Reunion / L'ami retrouvé.Le deuxième texte présenté dans cette édition s'intitule Pas de résurrection, s'il vous plaît. Si les personnages sont différents, on sent clairement la filiation avec les deux autres romans de la « trilogie » de Fred Uhlman.Le narrateur s'appelle Simon et fait une escale en Allemagne après trente années passées aux Etats-Unis où il avait été contraint de fuir le régime nazi. Il retrouve à cette occasion quelques anciens camarades de classe, ce qui donne lieu à une grande explication collective.La scène où les masques tombent et où les anciens camarades règlent leurs comptes entre eux avec l'Histoire est remarquable. On y retrouve toute l'ambivalence qui a dû traverser la société allemande d'après-guerre, entre honte, culpabilité, frustration, regret, colère et parfois un point de fierté.J'ai lu ces deux romans avec beaucoup d'intérêt ; ils n'ont peut-être pas la même puissance que Reunion, qui m'avait emballé le mois dernier, mais ils s'en approchent beaucoup.
Les lectures en service de presse sont parfois décevantes, mais elles permettent aussi de découvrir de petits bijoux. C'est le cas avec ce roman d'Amor Towles, dont j'ai eu la chance de lire en avant-première la traduction en français, qui sera publiée cette semaine, le 22 août précisément.
Le résumé m'avait tout de suite attiré :
Au début des années 1920, le comte Alexandre Illitch Rostov, aristocrate impénitent, est condamné par un tribunal bolchévique à vivre en résidence surveillée dans le luxueux hôtel Metropol de Moscou, où le comte a ses habitudes, à quelques encablures du Kremlin. Acceptant joyeusement son sort, le comte Rostov hante les couloirs, salons feutrés, restaurants et salles de réception de l'hôtel, et noue des liens avec le personnel de sa prison dorée – officiant bientôt comme serveur au prestigieux restaurant Boyarski –, des diplomates étrangers de passage – dont le comte sait obtenir les confidences à force de charme, d'esprit, et de vodka –, une belle actrice inaccessible – ou presque –, et côtoie les nouveaux maîtres de la Russie. Mais, plus que toute autre, c'est sa rencontre avec Nina, une fillette de neuf ans, qui bouleverse le cours de sa vie bien réglée au Metropol.
Trois décennies durant, le comte vit nombre d'aventures retranché derrière les grandes baies vitrées du Metropol, microcosme où se rejouent les bouleversements la Russie soviétique.
La promesse, parcourir la Russie soviétique des années 1920 à 1950 par l'intermédiaire d'un aristocrate assigné à résidence dans un grand hôtel moscovite, était tentante. Je ne vais pas ménager le suspense plus longtemps : la promesse est largement tenue.
L'histoire a démontré que le charme est l'ambition ultime de la classe des rentiers.
Pourquoi donc notre pays s'est-il autant passionné pour le duel ? demanda-t-il à la cage d'escalier sans espérer de réponse.
Certains auraient sans doute répondu par facilité que le duel était un dérivé de la barbarie. Étant donné les longs hivers cruels de la Russie, sa familiarité avec la famine, son sens approximatif de la justice et ainsi de suite, il était naturel à l'aristocratie du pays d'adopter comme moyen de résoudre les conflits un acte d'une violence absolue.
Or selon l'opinion mûrement réfléchie du comte, si le duel avait emporté les faveurs des gentlemen russes, c'était uniquement en vertu de leur passion pour tout ce qui était éclatant et grandiloquent. Certes, par convention, les duels avaient lieu à l'aube dans des lieux isolés afin de garantir l'anonymat des gentlemen impliqués. Mais se déroulaient-ils pour autant derrière un tas de cendres ou dans une décharge ? Bien sûr que non ! Ils se déroulaient dans une clairière recouverte d'une fine couche de neige au cœur d'une forêt de bouleaux. Ou bien sur la berge d'un ruisseau sinueux. Ou encore en lisière d'un domaine familial sous les fleurs des arbres agitées par la brise... En d'autres termes, dans des décors qu'on n'aurait pas été surpris de découvrir au deuxième acte d'un opéra. En Russie, quel que soit le spectacle, tant que le décor a de l'éclat et le ténor de la grandiloquence, il trouvera son public.
De fait, au fil des années, à mesure que les lieux de duels gagnaient en pittoresque et les pistolets en raffinement, les hommes les plus distingués affichèrent une disposition à défendre leur honneur pour des offenses de moins en moins graves. Si bien qu'en 1900 la tradition du duel, qui était peut-être bien née en réponse à des crimes de la plus haute gravité – traîtrise, trahison, adultère –, avait peu à peu abandonné toute raison, et l'on se battait pour l'inclinaison d'un chapeau, l'insistance d'un regard, ou l'emplacement d'une virgule.
Les deux jeunes gens paraissaient donc peu voués à devenir amis. Pourtant, le destin n'aurait pas la réputation qu'on lui prête s'il ne faisait que ce à quoi on s'attendait.
En tant qu'archéologue, lorsque Thomsen divisa l'histoire de l'humanité entre âge de la pierre, du bronze et du fer, il le fit tout naturellement en se fondant sur les outils physiques qui définissent chaque époque. Mais quid du développement spirituel de l'humanité ? Et de son développement moral ? Crois-moi, ils ont progressé dans le même sens.
À l'âge de la pierre, l'homme des cavernes avait les idées aussi rudimentaires que sa massue, aussi basiques que le silex d'où il tirait des étincelles.
À l'âge du bronze, lorsque quelques petits malins découvrirent la science de la métallurgie, combien de temps leur fallut-il pour fabriquer des pièces, des couronnes, des épées ? Cette trinité impie à laquelle l'homme du peuple s'est ensuite retrouvé asservi pendant mille ans. Michka se tut un instant, les yeux au plafond, avant de reprendre.
Ensuite vint l'âge du fer, et avec lui la machine à vapeur, la presse, le fusil. Une trinité complètement différente, en effet. Car si ces outils ont été mis au point par la bourgeoisie afin de servir ses propres intérêts, c'est à travers la machine à vapeur, la presse et le fusil que le prolétariat a commencé à se libérer de l'exploitation, de l'ignorance et de la tyrannie.
Michka commenta cette trajectoire historique – ou peut-être ses propres tournures de phrase – d'un signe de tête appréciatif.
– Eh bien, cher ami, nous conviendrons je pense qu'un nouvel âge a commencé : l'âge de l'acier. Nous avons maintenant la capacité de construire des centrales électriques, des gratte-ciel, des avions.
Puis, se tournant vers le comte : – Tu as vu la tour Choukhov ?
Le comte répondit que non.
– C'est un bien bel objet, Sasha. Une spirale en acier de deux cents mètres de haut depuis laquelle nous diffusons les toutes dernières nouvelles et informations – mais également, eh oui, les mélodies sentimentales de ton cher Tchaïkovski –jusque dans chaque foyer, dans un rayon de cent soixante-dix kilomètres. Et à chaque fois, la morale russe progresse au même rythme que ces avancées. Il se peut que nous assistions de notre vivant à la fin de l'ignorance, de l'oppression et à l'avènement de la fraternité des hommes.
Un soulèvement populaire, des troubles politiques, le progrès industriel – la combinaison de ces trois facteurs peut faire évoluer une société si rapidement qu'elle sautera des générations entières, balayant ainsi des aspects du passé qui autrement auraient peut-être survécu plusieurs décennies. Et il ne peut qu'en être ainsi lorsque les hommes nouvellement arrivés au pouvoir se méfient de toute forme d'hésitation ou de nuance et placent les certitudes au-dessus de tout.
Oui, l'exil était aussi vieux que l'humanité. Mais les Russes furent le premier des peuples à maîtriser la notion d'exil dans leur propre pays. Dès le XVIIIe siècle, les tsars, plutôt que de chasser leurs ennemis du pays, choisirent de les envoyer en Sibérie. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient décidé qu'exiler un homme de la Russie comme Dieu avait exilé Adam du jardin d'Éden ne constituait pas un châtiment suffisamment sévère ; car dans un autre pays, un homme peut se jeter à corps perdu dans le travail, construire une maison, fonder une famille. En d'autres termes, recommencer une nouvelle vie.
Mais lorsque vous exilez un homme dans son propre pays, il lui est impossible de recommencer à zéro. Pour l'exilé intérieur – que ce soit en Sibérie ou à travers la Moins Six –, l'amour du pays ne sera jamais flou ou dissimulé par le brouillard du temps qui passe. En fait, comme notre espèce a, au fil de l'évolution, appris à accorder la plus grande attention à ce qui se trouve hors de sa portée, ces exilés rêveront des splendeurs de Moscou selon toute probabilité plus que n'importe quel Moscovite qui peut en profiter librement.
Mais les films américains, dit-il, méritaient de leur part un examen soigneux, pas simplement en tant que fenêtres offrant une perspective sur la culture occidentale, mais également en tant que mécanismes inédits de répression de classe. Car avec leur cinéma, les Yankees avaient semblait-il découvert comment calmer une classe ouvrière tout entière pour la modique somme de cinq cents par semaine.
Leur Dépression, expliquait-il. Elle a duré dix ans en tout. Une décennie complète, pendant laquelle ils ont laissé le prolétariat se débrouiller tout seul en fouillant dans les poubelles et en mendiant à la sortie des églises. S'il y a bien une période pendant laquelle les travailleurs américains auraient dû secouer le joug, c'est celle-là. Pourtant, ont-ils rejoint leurs frères d'armes ? Ont-ils pris leurs haches et défoncé les portes des grandes demeures ? Jamais. Tant s'en faut. Ils se sont traînés jusqu'au cinéma le plus proche, où on a fait miroiter sous leurs yeux la dernière fantaisie en date.
Tel un scientifique chevronné, Ossip disséquait froidement ce qu'ils venaient de regarder. Les comédies musicales ? Des « pâtisseries conçues pour calmer les pauvres avec des rêves de bonheur inaccessible ». Les films d'horreur ? Des « tours de passe-passe dans lesquels les ouvriers voyaient leurs peurs supplantées par celles de jolies jeunes filles ». Les comédies légères ? De « grotesques narcotiques ». Et les westerns ? La pire propagande qui soit. Des fables dans lesquelles le mal était représenté par des masses criminelles et voleuses de bétail tandis que le bien apparaissait sous les traits d'un individu solitaire qui risquait sa vie pour défendre le caractère sacré de la propriété privée. En somme, « Hollywood est la force la plus dangereuse qui soit dans toute l'histoire de la lutte des classes ».
Comme le Faucon maltais. Qu'est-ce que cet oiseau noir, sinon un symbole du patrimoine culturel occidental ? Cette sculpture d'or et de pierres précieuses façonnée par des chevaliers des croisades pour rendre hommage à un roi, c'est un emblème de l'Église et des monarchies – ces institutions rapaces sur lesquelles toute la vie artistique et intellectuelle de l'Europe s'est construite. Qui sait, peut-être leur amour de ce patrimoine est-il tout aussi peu judicieux que celui que le Gros porte à son faucon ? Peut-être est-ce cela précisément dont il faut se débarrasser pour que leurs peuples puissent espérer progresser.
« Les bolcheviques, poursuivit Ossip d'une voix adoucie, ne sont pas des Wisigoths, Alexandre. Nous ne sommes pas des hordes de barbares fondant sur Rome pour détruire tout ce qui est beau, simplement par ignorance et jalousie. Bien au contraire. En 1916, la Russie était un État barbare. La nation la plus illettrée d'Europe, dont la majorité des habitants vivaient en quasi-servage, travaillaient les champs avec des charrues en bois, battaient leurs femmes le soir à la chandelle, s'effondraient sur un banc ivres de vodka, avant de se lever à l'aube pour se prosterner devant leurs icônes. En d'autres termes, vivaient exactement comme leurs ancêtres cinq cents ans auparavant.
Notre vénération pour toutes ces statues, cathédrales et institutions antiques ne pourrait-elle pas justement avoir été cela même qui nous empêchait d'avancer ?
Et au fait, où en sommes-nous maintenant ? Jusqu'où avons-nous avancé ? En mariant le tempo américain et les objectifs soviétiques, nous sommes près d'atteindre le taux d'alphabétisation maximum. Les endurantes femmes russes, elles aussi esclaves autrefois, ont été élevées au rang d'égales. Nous avons construit de nouvelles cités, et notre production industrielle dépasse celle de la majeure partie des pays européens.
– Mais à quel prix ? Ossip frappa du plat de la main sur la table.
– À un prix exorbitant ! Vous pensez que les réussites des Américains – que le monde entier leur envie – ne leur ont rien coûté ? Demandez un peu à leurs frères africains ! Vous pensez que les ingénieurs qui ont conçu leurs illustres gratte-ciel ou construit leurs routes ont hésité une seconde avant d'aplatir les charmants petits quartiers qui leur barraient le chemin ? Je vous garantis, Alexandre, qu'ils ont posé les bâtons de dynamite et appuyé sur le détonateur eux-mêmes. Comme je vous l'ai déjà dit, les Américains et nous serons les nations dirigeantes de ce siècle parce que nous sommes les seules nations à avoir appris à balayer le passé plutôt que de nous incliner devant lui. Seulement eux ont agi de la sorte au nom de leur cher individualisme, alors que nos efforts à nous sont au service du bien commun.
Certains pourraient s'étonner que deux hommes se considèrent comme de vieux amis alors qu'ils ne se connaissaient que depuis quatre ans ; mais la solidité d'une amitié ne se mesure pas au passage du temps. Ces deux-là auraient eu l'impression d'être de vieux amis même quelques heures après s'être rencontrés. Cela était dans une certaine mesure dû au fait qu'ils étaient âmes sœurs – le genre à se découvrir au cours d'une conversation parfaitement fluide de multiples points communs et des raisons de rire. Mais il s'agissait aussi très certainement d'une question d'éducation. Élevés dans de grandes demeures au sein de villes cosmopolites, sensibilisés aux arts, jouissant de longs moments d'oisiveté et exposés aux plus beaux objets, le comte et l'Américain, pourtant nés à dix ans et six mille cinq cents kilomètres d'écart, avaient plus de choses en commun l'un avec l'autre qu'avec la majorité de leurs compatriotes respectifs.
C'est pour cette même raison, bien sûr, que les hôtels prestigieux des capitales du monde se ressemblent tous. Le Plaza à New York, le Ritz à Paris, le Claridge à Londres, le Metropol à Moscou – construits dans la même période de quinze ans : eux aussi étaient des âmes sœurs, les premiers hôtels de la ville équipés du chauffage central, de l'eau chaude et du téléphone dans les chambres, avec la presse internationale à disposition des clients dans le grand hall, une cuisine cosmopolite et des bars américains juste à côté de la réception. Ces hôtels avaient été construits pour des gens comme Richard Vanderwhile et Alexandre Rostov, afin qu'ils puissent lors de leurs voyages dans des villes étrangères se sentir tout à fait chez eux, en compagnie de gens de leur milieu.
Pourquoi, se demandèrent maints observateurs occidentaux, un million de citoyens étaient-ils prêts à faire la queue pour voir le cadavre d'un tyran ? Certains désinvoltes expliquèrent que c'était pour s'assurer qu'il était bien mort. Mais une telle remarque ne rendait pas justice aux hommes et aux femmes qui attendaient en pleurant. De fait, ils furent des millions à pleurer la perte de celui qui les avait menés à la victoire dans la Grande Guerre patriotique contre les forces hitlériennes ; et ils furent tout aussi nombreux à pleurer la perte de l'homme qui avait de manière aussi résolue hissé la Russie au rang de puissance mondiale ; tandis que d'autres sanglotaient simplement en comprenant qu'une nouvelle ère d'incertitudes commençait.
J'ai découvert Fred Uhlman récemment en lisant son chef d'oeuvre [b:Reunion 270043 Reunion Fred Uhlman https://images.gr-assets.com/books/1320467334s/270043.jpg 1063910] (L'ami retrouvé en français) et les deux romans qui y font suite regroupés dans un seul ouvrage [b:La Lettre de Conrad suivi de Pas de résurrection, s'il vous plaît 534614 La Lettre de Conrad suivi de Pas de résurrection, s'il vous plaît Fred Uhlman https://images.gr-assets.com/books/1343641790s/534614.jpg 51060814]. J'avais beaucoup aimé ces récits historiques se déroulant dans l'Allemagne des années 1930. Bien qu'il s'agissait de romans, on pouvait évidemment percevoir une partie de l'expérience de l'auteur, lui-même juif allemand exilé en France, en Espagne puis en Angleterre suite à l'arrivée au pouvoir des nazis dans son pays natal.C'est cette fois son expérience personnelle en tant que telle que Fred Uhlman raconte dans cette autobiographie :Ce jour de printemps, Fred Uhlman, jeune avocat plein d'avenir, se rendit à son cabinet comme d'habitude, pour y étudier les dossiers en cours. Mais on était en 1933, à Stuttgart, et Fred Uhlman était juif. Le coup de téléphone fut très bref : « Il fait beau à Paris aujourd'hui. Aujourd'hui. » Uhlman avait compris. Il rassembla quelques vêtements, un peu d'argent, sauta dans sa voiture et quitta pour toujours sa ville, sa famille, son pays.Ce bref récit est dans sa sobriété et sa concision un écho bouleversant de la plus affreuse tragédie de l'histoire humaine. Arthur Koestler ne s'y était pas trompé, qui avait le premier fait l'éloge de la « qualité musicale obsédante et lyrique à la fois » du talent de Fred Uhlman, « comme si Mozart avait écrit Le Crépuscule des Dieux » ...Le récit débute évidemment par la jeunesse de Fred Uhlman en Allemagne, des années 1900 jusqu'à la montée du nazisme. Lorsque Hitler arrive au pouvoir, il s'engage quelque temps dans l'opposition social-démocrate mais finit par fuir son pays, averti par un ami juge que son arrestation est imminente. Nous suivons alors le parcours d'exilé de l'auteur, à Paris tout d'abord, puis dans l'Espagne à l'aube de la guerre civile, puis en Angleterre où il se marie et est interné dans un camp en tant qu'étranger issu d'un pays ennemi du Royaume-Uni.Je dois avouer qu'il y a des livres qu'on se sent quasiment obligé d'apprécier, car le thème est trop fort pour qu'on le mette de côté. Ce n'est pas tout à fait le cas avec celui-ci, qui m'a plu dans l'ensemble, mais j'ai parfois trouvé le récit un peu ennuyant. C'est évidemment un panorama exceptionnel de l'Europe des années 1930 et 1940 : on parcourt avec Fred Uhlman l'Allemagne de la Première Guerre Mondiale jusqu'au début du régime nazi, puis la France de l'avant-guerre, l'Espagne à la veille de la guerre civile entre Républicains et Franquistes, puis l'Angleterre pendant la guerre.C'est un témoignage précieux, parfois passionnant, mais d'autres fois plus anecdotique voire ennuyeux. Personnellement, je me serais facilement passé des longues pages sur l'élevage de poissons exotiques à Paris dans les années trente, ou des nombreuses références à la peinture et à des peintres plus ou moins célèbres. Dans ce dernier cas, c'est évidemment normal puisque Fred Uhlman a été peintre en plus d'être connu pour ses romans, mais c'est malheureusement un art dont je suis loin d'être spécialiste.J'ai donc un sentiment ambivalent en terminant cette autobiographie. Je me suis parfois ennuyé pendant certains détours du récit, n'y retrouvant pas la force et l'intensité des romans de Fred Uhlman. Malgré tout, le témoignage historique que constitue ce livre est passionnant et certainement essentiel ; rien que pour cela, il vaut la peine d'être lu et de figurer dans la bibliothèque de tout amateur d'Histoire.
J'ai relativement de la chance en ce moment avec mes lectures en service de presse. Toujours grâce à NetGalley.fr qui m'avait permis récemment de découvrir l'excellent roman [b:Un gentleman à Moscou 40727631 Un gentleman à Moscou Amor Towles https://images.gr-assets.com/books/1530825141s/40727631.jpg 45743836], j'ai eu l'occasion cette fois de lire en avant-première cet ouvrage de François Beaune : Omar et Greg, qui sortira le 14 septembre prochain dans toutes les bonnes librairies (et sans doute également dans les mauvaises).François Beaune est un journaliste et écrivain que je ne connaissais pas, même si j'ai découvert pendant ma lecture qu'il était l'auteur d'un roman intitulé [b:Un homme louche 7884679 Un homme louche François Beaune https://images.gr-assets.com/books/1445543242s/7884679.jpg 11096741] que j'avais lu il y a plusieurs années et qui ne m'avait pas particulièrement plu. Comme quoi, il ne faut jamais se contenter de la première impression avec un écrivain !Ici, François Beaune nous propose une rencontre avec deux hommes au parcours à la fois typique et atypique de beaucoup de concitoyens français :« On ne pense pas de la même façon le ventre vide et le ventre plein ».Omar et Greg sont deux enfants d'ouvriers. Deux jeunes nés et grandis dans des ZUP. Le petit fils d'Algérien engagé dans l'armée française, chasseur de skins à l'adolescence, est travailleur social ; l'Italo-Tunisien, cheminot homo formé à la lecture de Jaurès et de Che Guevara, est devenu militant de carrière. Après mille expériences entre Reims et Vaulx- en-Velin, Bordeaux et Marseille, tous deux se retrouvent un jour à proposer au Front national un projet politique aberrant : faire entrer la communauté musulmane au FN.L'itinéraire de ces deux citoyens engagés et enragés témoigne de la manière dont la France accueille et forme (ou pas) ses enfants de l'immigration : quartiers, racisme, religion, éducation, sexualité, engagement, rapport à l'autre ... Omar et Greg cherchent leur place avec une interrogation obsédante sur ce que c'est qu'être français.L'écrivain François Beaune, connu pour ses Entresorts et ses Histoires vraies, a connu Omar et Greg dans le quartier de la porte d'Aix, à Marseille. Il les a rencontrés, écoutés, enregistrés, et en a tiré cette fresque sociale, récit d'une amitié hors norme et portrait croisé de deux citoyens qui, par leurs contradictions, incarnent un destin français.Le livre commence doucement, je n'ai pas tout de suite accroché, peut-être parce que je n'avais pas de sympathie particulière pour les deux protagonistes. Le récit de leur jeunesse respective à Reims et dans le Rhône n'est pas passionnant, même s'il est symptomatique de la société française et de son évolution, entre montée des tensions sociales et « ethniques » et déclassement des classes moyennes et populaires.La suite m'a plus emballé, avec le récit de leur engagement militant : d'abord dans deux camps opposés, l'un à gauche au Parti Socialiste et à SOS Racisme, l'autre au Front National ; puis ensemble, à la tête d'une initiative un peu folle de créer un pôle « patriotique social » au FN, avec en toile de fond une tentative de réconciliation du Front National avec les musulmans de France.Je ne partage évidemment pas toutes les opinions d'Omar et Greg, mais j'ai aimé le récit de leurs combats politiques et la part d'honnêteté intellectuelle que je dois leur reconnaître en lisant leurs propos tels que François Beaune les relate. Même sans me reconnaître dans leurs idées, je dois saluer la cohérence de leur parcours et une certaine noblesse dans leurs combats.Au-delà de la personnalité et du parcours des deux protagonistes qui donnent leur nom au livre, c'est le portrait d'une France blessée, divisée, contrastée, en souffrance, un panorama de cette France dite périphérique, déclassée, délaissée dont on nous parle en permanence dans les médias en feignant de s'y intéresser mais sans s'attaquer aux causes du phénomène. C'est en cela que ce livre est passionnant, par son interrogation sur ce qu'est la France, sur ce que c'est d'être français. Omar et Greg sont deux exemples de ce peut être la citoyenneté française, avec des parcours différents, des croyances différentes, mais un même sentiment d'appartenance à une même communauté, une même nation.J'ai relevé de nombreuses citations en lisant ce livre, et je vous propose d'en découvrir quelques unes, pour mieux comprendre le propos de ce livre assez particulier mais passionnant :Sur l'immigration :L'immigration, ça existera toujours. Tu mets un enfant qui sait marcher au milieu d'une pièce, tu fais plus attention, le gosse il est déjà à l'autre bout de la rue. Les gens sont faits pour marcher, voyager, bouger. Les migrations, en soi, c'est naturel. Maintenant quand ces vagues sont créées dans les intérêts de Bouygues, Bolloré, Vinci, Total, qui ne payent pas leurs impôts en France, et qu'on envoie nos soldats se faire crever pour leurs projets à l'étranger, on doit réagir. Il faut arrêter toutes ces guerres coloniales. Le devoir universel de la France, c'est de tout faire pour instaurer la paix. Alors que là c'est nous qui déclarons la guerre.Sur le système qui divise :Je crois que le système diviseur joue sur les cordes sensibles, un coup sur la religion, un coup sur les ethnies, un autre sur les classes sociales. Un anarchiste, un skinhead, un Maghrébin, tous ceux-là se tapent dessus, alors que le système est en train de s'engraisser et tire tous les marrons du feu.Sur les politiques culturelles dans les banlieues :C'est un drame de faire des gens acculturés, qui n'ont aucun sentiment d'appartenance à ce pays. L'éducation nationale est dévoyée, parce que la pensée dominante, majoritaire, est de gauche, et eux visent à virer tout ce qui est patriotique, à faire de nos gosses des citoyens déstructurés, sans appartenance charnelle avec la France. Exactement ce qu'on a vécu dans les centres sociaux. Toutes les MJC où j'ai été, où j'ai grandi, on ne t'apprend pas la culture française, au contraire, on te maintient dans ta culture d'origine, djembé, rap, raï, on accentue l'appartenance ethnique, on fait la promotion des cultures communautaires. Les animateurs sont pas payés pour faire de toi un bon Français, mais pour te tenir au calme.Sur la jeunesse :Quand on renie l'Histoire, quand tu as pour référent Cyril Hanouna ou Nabila, le mépris des politiques et la misère dans des centaines de ghettos, quand il y a pas d'avenir, pas de vision globale, à un moment tu fais quoi ? La jeunesse, elle cherche un idéal, trouver une place dans la société, accomplir quelque chose et s'accomplir. Le jeune, il est responsable de ses actes, mais il est pas coupable. Les coupables c'est ceux qui ont créé cette situation, qui alimentent la division, qui laissent partir ces jeunes en les montrant du doigt avec leurs pseudo-lois ridicules de déchéance de nationalité, comme si ça allait empêcher un type de se faire sauter. Les coupables c'est les Valls, les Hollande, les Sarkozy, les Macron.
Deux jours avoir lu le premier volume [b:Le Gouverneur 23274900 Le Gouverneur (Mort au Tsar #1) Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1468420349s/23274900.jpg 42814240], je viens de terminer le second, intitulé Le Terroriste, complétant ainsi ma découverture de ce diptyque en bande dessinée écrit par Fabien Nury et dessiné par Thierry Robin. Comme je l'expliquais dans mon billet sur le premier album, cette histoire est consacrée à la mort du Grand Duc Sergueï Alexandrovitch, oncle du tsar et gouverneur général de Moscou, à l'époque de la révolution avortée de 1905 en Russie.Fin du diptyque imaginé par Fabien Nury et Thierry Robin où polar et histoire s'entremêlent au coeur de la Russie tsariste.Georgi est un terroriste. Il veut tuer le gouverneur Sergueï Alexandrovitch. Quitte à y laisser sa peau. Un thriller politique sur un terroriste prêt à tout !Mort au Tsar, polar historique, nous entraîne sur les traces des révolutions russes de 1905.Le récit de ce second album reprend celui du premier, mais cette fois du point de vue de Georgi, le cerveau de la cellule terroriste qui tente d'assassiner le gouverneur. Nous faisons connaissance avec les membre de la bande : Erna, une fausse comédienne ; Heinrich, un étudiant ; et Vania, un cocher fanatique religieux. Mais c'est surtout la personnalité de Georgi qui attire l'attention, avec son obsession pour sa mission. C'est un personnage fascinant, qui ne vit que pour la cause révolutionnaire.C'est vraiment intéressant de revivre les mêmes événements que dans le premier volume, mais cette fois à travers les yeux des révolutionnaires. Georgi et les terroristes ne sont pas forcément présentés sous un jour plus favorable que le gouverneur et le pouvoir tsariste ne l'étaient dans le précédent album. C'est un vrai point fort de ce diptyque : les deux points de vue sont donnés. Il n'y a pas de « gentils » et de « méchants » : Le gouverneur est un père de famille aimant et un dirigeant sanguinaire ; le terroriste est un révolutionnaire sincère et sans scrupules.J'ai pris autant de plaisir à lire cette bande dessinée que j'en avais pris pour la première partie, d'autant que le dessin est toujours aussi réussi. Après cela, j'ai bien envie de me renseigner sur les autres oeuvres écrites par Fabien Nury.
J'avais terminé hier et je vous avais aussitôt parlé du premier volume de ce diptyque répondant au titre [b:La mort de Staline, Tome 1 : Agonie 9963939 La mort de Staline, Tome 1 Agonie Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1349342949s/9963939.jpg 14857927]. J'avais déjà beaucoup aimé cette première partie qui racontait les circonstances de la mort de Staline et le début des grandes manoeuvres pour sa succession.Le deuxième et donc dernier volume du récit, La mort de Staline – 2. Funérailles, reprend là où le premier s'était arrêté :Le dernier hommage à notre camarade Staline doit être rendu par le peuple soviétique tout entier. Des délégations spéciales, formées d'ouvriers et de kolkhoziens nommés par les comités locaux, sont conviées à venir à Moscou. (Extrait de discours officiel – 9 mars 1953).La précédente directive concernant les délégations aux funérailles est annulée. Seules sont autorisées à entrer dans Moscou les personnes munies d'un laissez-passer spécial, délivré par le comité central. (Extrait de discours officiel – 10 mars 1953).8 mars 1953. Staline est mort. La nouvelle retentit dans le monde entier. Venus des confins de l'Union Soviétique, des millions de civils affluent vers Moscou pour rendre un dernier hommage au « petit père des peuples ». Tandis que se préparent des cérémonies pharaoniques, une lutte sans merci fait rage au sein du Politburo. Qui sera le successeur ? Beria, Malenkov, Khrouchtchev ? Après le succès critique et commercial du tome 1, Thierry Robin et Fabien Nury s'attachent désormais aux « Funérailles » de Staline. Toujours aussi réaliste et documenté, un tableau dantesque, terrifiant et absurde d un système totalitaire en pleine folie.Fabien Nury et Thierry Robin nous plongent à nouveau dans la Russie années 1950, au moment de la disparition de Joseph Staline, dirigeant incontesté de l'URSS depuis trente ans. La lutte pour la succession s'annonce féroce.Beria, ministre de l'Intérieur et donc patron des forces de police (ordinaire et politique) semble le mieux placé pour remporter la mise. Il s'appuie notamment sur le soutien de Malenkov, ancien adjoint de Staline qui ne semble qu'un pantin aux mains de Beria et de son grand rival : Khrouchtchev. Il fait également pression sur Molotov, ministre des Affaires Etrangères, en libérant son épouse que Staline avait fait arrêter et condamner à mort, sanction que Beria n'avait pas fait exécuter, en prévision de ce moment.Evidemment, quand on connait la fin de l'histoire, la vraie, on se doute de comment cela va finir, mais j'ai tout de même aimé découvrir les tenants et les aboutissants, en tout cas tels qu'ils sont relatés par Fabien Nury dans cette bande dessinée, de la chute de Beria et de la prise de pouvoir de Khrouchtchev, le successeur de Staline dans nos livres d'Histoire.Je crois que j'ai trouvé ce second volume encore meilleur que le premier : l'ambiance y est encore plus oppressante, la tension est palpable, les complots sont omniprésents et les alliances se font et se défont d'une page à l'autre. C'est évidemment une dénonciation claire et sans concession du système soviétique, avec des dirigeants tous corrompus et aguerris aux pires manoeuvres pour conserver ou conquérir le pouvoir, au mépris du peuple qu'ils prétendaient servir et émanciper.C'est la deuxième bande dessinée historique signée par Fabien Nury et Thierry Robin que je découvre en quelques jours, après l'excellent Mort au Tsar lui aussi situé en Russie et lui aussi en deux volumes ([b:Le Gouverneur 23274900 Le Gouverneur (Mort au Tsar #1) Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1468420349s/23274900.jpg 42814240] et [b:Le Terroriste 27211567 Le Terroriste (Mort au Tsar #2) Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1493050427s/27211567.jpg 46729671]) et je dois dire que j'ai été emballé par l'écriture et le dessin de ces deux récits. Je vais me renseigner sur les autres oeuvres de ces deux artistes, en espérant qu'ils aient collaboré sur d'autres bandes dessinées d'aussi grande qualité.
Un roman gay français très classique, dont je garde peu de souvenirs hormis que c'était une lecture agréable, sans plus.
Un roman plaisant, sans plus, adapté d'un film plaisant, sans plus, à moins que cela ne soit l'inverse.
Mon oeil avait tout de suite été attiré par ce livre à la médiathèque, j'y ai reconnu tout de suite le catalogue de l'exposition Auguste que j'avais eu le plaisir de visiter au Grand Palais en 2014. Il s'agissait d'une exposition monumentale sur Auguste, également appelé Octave ou Octavien, l'Empereur romain qui a succédé à Jules César. Le catalogue est aussi impressionnant que l'était l'exposition elle-même. Je dois avouer ne pas avoir lu en détail tous les textes du catalogue, certains thèmes m'ayant intéressé plus que d'autres, mais les photos des oeuvres sont magnifiques et le livre présente également quelques croquis et cartes très utiles pour la compréhension (Rome, les provinces romaines, etc.)
Les trois singes est le troisième et dernier album de Je suis Légion, la série de BD scénarisée par Fabien Nury et dessinée par John Cassaday. J'avais lu hier les deux premiers volumes : [b:Le Faune dansant 8537753 Le Faune dansant (Je suis légion #1) Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1327777854s/8537753.jpg 3399202] et [b:Vlad 8537752 Vlad (Je suis légion #2) Fabien Nury https://images.gr-assets.com/books/1413375426s/8537752.jpg 13405232]. Le premier m'avait bien plu malgré quelques défauts ; le deuxième m'a un peu moins plu, parce que les défauts du premier y étaient amplifiés.J'ai eu le même ressenti en lisant ce troisième tome qui clôture le récit. Cela reste intéressant mais j'avais toujours un certain sentiment de confusion en avançant dans l'histoire. Je ne sais pas si c'est à cause des illustrations ou d'un manque de clarté dans le texte, mais j'ai vraiment eu du mal à distinguer certains personnages par rapport à d'autres.Le récit se poursuit après l'assassinat, par un commando britannique assisté par une cellule de résistants roumains, de l'officier nazi en charge du programme Legion. Ce n'est pourtant que le début de l'affrontement entre deux êtres venus des siècles passés : Vlad et son frère Radu. J'ai aimé la façon dont le scénario lit cet aspect surnaturel avec l'Histoire, entre vengeances multi-séculaires, complots politiques et espionnage.Dans l'ensemble, j'ai bien aimé cette série, même si elle m'a clairement semblé un cran en-dessous de Mort au Tsar et La mort de Staline, deux autres séries de BD scénaristes par Fabien Nury.
Après un premier épisode dont je vous parlais hier, les aventures de Silas Corey se poursuivent avec ce deuxième album : Le Réseau Aquila 2/2. Toujours scénarisée par Fabien Nury et illustrée par Pierre Alary, cette bande dessinée nous plonge à nouveau dans la France de 1917 :
Avril 1917. La guerre fait rage dans toute la France. À Paris, l'opposition menée par Georges Clemenceau tente de faire tomber le gouvernement Caillaux ...
Silas Corey, ancien reporter, agent du 2e Bureau, détective et aventurier à plein temps, est engagé par Clemenceau pour retrouver un reporter disparu. Ce dernier aurait recueilli des preuves de la trahison du chef du gouvernement. Corey, non content d'accepter la mission, vend aussitôt ses services au 2e Bureau et à Mme Zarkoff, industrielle de l'armement compromise dans l'affaire. Fort de ses trois salaires, Corey se lance sur la piste du reporter, et ne tarde pas à croiser le chemin du redoutable espion Aquila, qui dirige les opérations du Kaiser en France... L'issue de la guerre pourrait bien dépendre du résultat de son enquête. Mais au fait, quelqu'un sait-il pour qui Silas Corey travaille vraiment ?
Je poursuis ma lecture des bandes dessinées que j'ai empruntées à la médiathèque ; comme j'aime insister quand je découvre un auteur qui me plait, il s'agit encore d'une série de BD scénarisée par Fabien Nury, également auteur de plusieurs bandes dessinées dont j'ai parlé ici récemment : Mort au Tsar (1. Le Gouverneur et 2. Le Terroriste), La mort de Staline (1. Agonie et 2. Funérailles) et Je suis Légion (1. Le Faune dansant, 2. Vlad, et 3. Les trois singes).
Il s'agit cette fois d'une série en bande dessinée intitulée Silas Corey, du nom de son personnage principal, présenté en quatrième de couverture comme détective, espion et tueur :
Détective. Espion. Tueur. Héros ou escroc, ça dépend de l'employeur...
Avril 1917. La guerre fait rage dans toute la France. À Paris, l'opposition menée par Georges Clemenceau tente de faire tomber le gouvernement Caillaux...
Silas Corey, ancien reporter, agent du 2e Bureau, détective et aventurier à plein temps, est engagé par Clemenceau pour retrouver un reporter disparu. Ce dernier aurait recueilli des preuves de la trahison du chef du gouvernement. Corey, non content d accepter la mission, vend aussitôt ses services au 2e Bureau et à Mme Zarkoff, industrielle de l'armement compromise dans l'affaire. Fort de ses trois salaires, Corey se lance sur la piste du reporter, et ne tarde pas à croiser le chemin du redoutable espion Aquila, qui dirige les opérations du Kaiser en France... L'issue de la guerre pourrait bien dépendre du résultat de son enquête. Mais au fait, quelqu'un sait-il pour qui Silas Corey travaille vraiment ?
J'ai eu la possibilité de lire ce roman grâce à la plateforme de service de presse NetGalley.fr. Ce livre est l'une des nombreuses sorties de la rentrée littéraire, et le résumé m'avait donné envie de le lire :
“ Les deux Français se battaient. On avait l'impression qu'ils voulaient donner à cette joute une forme de grand final et qu'ils cherchaient à mourir ensemble. Rimbaud est rentré chez nous surgissant de la foudre. Verlaine gisait, livide et glacé, le regard au vague, dans un chemin envahi de ronciers. Des liasses manuscrites débordaient de sa besace tels les restes d'un pauvre destin. Il balbutiait des mots dénués de sens. Un voile épais de flocons descendait du ciel et le rideau tombait sur ce désastre sans retour, sur une poésie qui portait en elle un peu d'immortalité. L'histoire de ces poètes semble s'achever ici, comme une oeuvre qui se referme pour se déployer, un jour peut-être, dans la mémoire des hommes. “
Ce roman a pour toile de fond la guerre de 1870 et la Commune. Rimbaud et Verlaine, ivres d'absinthe et de liberté, vivent leur épopée sulfureuse entre Paris, Bruxelles, Londres, Stuttgart, avec pour principal témoin un pasteur luthérien allemand. D'autres figures croisent leur destin, Hugo, Baudelaire, Marx, Napoléon III, Louise Michel, Henry Dunant et un juge belge viscéralement homophobe. Paul cherche l'apaisement dans l'illumination religieuse, Arthur s'étourdit dans son errance marginale, et l'aventure passionnelle se termine au coeur du Wurtemberg où Rimbaud confie à Verlaine ses derniers poèmes, comme un ultime legs à la littérature.
Vous êtes trop jeune pour avoir participé aux combats de 1870, vous ignorez heureusement l'horreur des carnages. Moi qui suis aujourd'hui un homme usé par l'expérience des conflits, je peux vous l'affirmer, nul ne survit à la guerre. Pas même les vainqueurs.
L'effronté, à peine sorti de l'adolescence, croise mon regard, et je l'esquive. Bien que gêné par son insistance incongrue, je demeure imperturbable. Je ne suis pas homme à laisser paraître la moindre de mes émotions. Mes pensées profondes, mes questionnements, mes rêves ou mes doutes éventuels ne regardent personne. Je tiens à donner l'image d'un être pur et rigoureux chez lequel aucun ferment obscur, aucun sombre dessein ne pourrait se nicher.
Il deviendra poète, s'opposera à la bêtise et rendra le monde, pas nécessairement plus beau, mais plus intense.
Grâce à ce service de presse obtenu par l'intermédiaire de NetGalley.fr, j'ai eu l'opportunité de lire ce premier roman de Dov Hoenig, Rue du Triomphe, dont le résumé m'avait semblé très prometteur :
” Pendant les dimanches d'été au ciel d'azur et aux parfums d'acacia, le spectre de la guerre ne nous empêchait pas de nous lever tard. Une fois que Maria, la domestique du propriétaire Theodorescu, avait aspergé d'eau froide le gravier des allées et l'asphalte des trottoirs brûlants, les portes commençaient à s'ouvrir lentement, invitant les effluves de la terre rafraîchie à l'intérieur des maisons. C'était le signal attendu. Les gens sortaient devant leur seuil, s'installant sur des chaises en paille et des chaises longues, et la cour s'animait comme une foire. Les femmes exposaient leurs bras et leurs épaules au soleil brûlant – les jambes, par décence, jusqu'aux genoux seulement – et les hommes se réunissaient à l'ombre autour de petites tables couvertes de nappes multicolores pour discuter politique ou se taquiner lors d'effervescentes parties de poker. J'étais l'attraction principale de ces débats animés. Dévorant avec passion les quotidiens que mon père rapportait à la maison, j'étais au courant des moindres drames et intrigues de la vie politique roumaine. »
Rue du Triomphe raconte les rêves et les tourments, les aspirations politiques et les émois amoureux d'un jeune homme grandissant à Bucarest avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Dans ce roman initiatique qui est aussi un face-à-face avec l'Histoire, Dov Hoenig, avec une force d'évocation rare, redonne vie à tout un monde disparu.
Depuis mes premières années d'école, j'avais témoigné un intérêt particulier pour l'histoire. J'étais fasciné par la vie et l'œuvre des grands héros du passé et par les vicissitudes des peuples et des nations. Contrairement à l'arithmétique et à la géométrie que j'estimais appartenir à un espace planétaire inanimé et stérile, l'histoire m'offrait tout ce qu'il y a de plus excitant dans l'aventure de l'homme sur terre. Ma passion pour cette matière allait de pair avec mon intérêt pour la politique. Cet intérêt, peu courant pour un garçon de mon âge, était dû en grande partie au fait que durant mon enfance, entre les années 1938 et 1945, j'avais été témoin involontaire d'une série d'événements historiques de grande importance pour le monde autant que pour la Roumanie.
De l'autre côté, un groupe de jeunes soldats allemands, riant à pleine voix, sortaient hésitants d'une pâtisserie, ne sachant pas quelle direction emprunter. Leurs voix, leurs uniformes, leurs insignes, leurs bottes courtes, chics, me mirent en rage. Ah ! Les Boches ! Depuis des mois nous vivions avec eux, parmi eux. Ils étaient les loups, nous étions leur proie. Nos chemins se croisaient maintes fois. Nous ne nous saluions pas, mais nos regards convergeaient. Parfois même nous nous frôlions. Leurs yeux nous scrutaient avec une froide curiosité, leurs narines nous flairaient. Mais ce n'était pas encore l'heure. Ils étaient dressés pour se comporter comme des loups dociles, policés, entraînés à ne pas dévorer leur proie tant que l'ordre ne serait pas donné. Ils se transformeraient en tueurs le temps venu. Pour l'instant, nous vivions en leur compagnie, la compagnie des loups, dans une sorte de paix précaire, dans ce Bucarest devenu incongru et incohérent.
Moi aussi je suis pour un État socialiste. Mais à condition qu'il soit démocratique. La belle révolution socialiste dont tu parles, tu peux voir ce qu'elle a donné en URSS. La tyrannie du tsar a été remplacée par la dictature du prolétariat, le pivot du marxisme-léninisme. Les libertés individuelles ont été étouffées et tout le pouvoir est aux mains d'un seul parti, et pire encore, d'un seul homme : Staline !
Je veux m'enfuir du passé et du présent, de notre maison, de notre cour et de notre rue... Je veux m'enfuir de toi... Je veux m'enfuir des larmes de maman, de la mine abattue de papa, de l'expression de défaite dans ses yeux et de la façon dont tu lui parles, dont tu le regardes. Penses-tu que je ne vois pas comme tu l'observes quand il parle, quand il mange, quand il s'habille ? Pourquoi le regardes-tu comme ça ? Et pourquoi tu ne l'embrasses plus ? C'est toi qui as empoisonné maman avec l'idée qu'il devait se faire examiner la tête. Je veux m'enfuir de tout ça. Et je veux m'enfuir aussi de l'avenir qui m'attend si je reste ici avec vous. C'est de tout ça que je veux m'enfuir !
J'ai été déçu par ce livre dont j'espérais beaucoup. S'il trace un panorama qui me semble complet de l'histoire de la littérature allemande, et à travers cela de l'Histoire de l'Allemagne en général, il le fait de façon froide, presque clinique, se contentant de dérouler les évolutions successives de la littérature allemande, sans susciter réellement d'envie d'en savoir plus. La meilleure preuve en est que je suis sorti de cette lecture avec aucune liste de livres de langue allemande que j'aurais absolument envie de lire, alors que c'était clairement mon espoir - ou ma crainte, pour mon compte en banque - en commençant ce livre.
Un très beau roman graphique, autant par son dessin et par son écriture. Avec un choc après une grosse moitié, qui transforme le récit de façon inattendue. Quoique, est-ce si inattendu ?
Ce deuxième tome de l'adaptation en bande dessinée du roman de Jean Vautrin m'a déçu. On y retrouve les mêmes ingrédients que dans le premier volume, à savoir un mélange d'Histoire de la Commune de Paris, de personnages forts et d'argot parisien, mais je me suis globalement ennuyé. Je pense néanmoins poursuivre avec les deux derniers tomes de la série, car il serait dommage de s'arrêter en plein milieu.
Une histoire poignante, celle d'un professeur américain installé en Bulgarie après avoir fui le Sud américain profond et son père homophobe. A Sofia, il rencontre un jeune prostitué bulgare avec lequel il va nouer une relation faite de désir et d'argent. Le roman est parfois lent mais l'ensemble est plutôt réussi, d'autant que la plume de Garth Greenwell est très belle.
Le deuxième tome m'avait déçu mais celui-ci m'a plus plu, peut-être parce qu'il m'a semblé plus ancré dans l'Histoire que le précédent. I ne me reste en tout cas plus que le quatrième et dernier tome pour achever cette adaptation en bande dessinée du roman de Jean Vautrin.
Ce quatrième et dernier tome achève sur une bonne note l'adaptation en bande dessinée du roman “Le Cri du Peuple” de Jean Vaatrin. La Commune de Paris s'achève dans un bain de sang, l'expérience révolutionnaire est réprimée, et les histoires personnelles des différents personnages de la série trouvent leur dénouement, plus ou moins heureux. Je ne suis définitivement pas fan du style de dessin en noir et blanc de cette série, mais le texte est souvent très bon et quelques images sont saisissantes. Cela ne sera jamais ma bande dessinée préférée, mais c'est tout de même une oeuvre intéressante pour l'amateur d'Histoire que je suis.
Septembre rouge est le troisième opus de la série de bande dessinée uchronique Jour J. Dans cette uchronie, quand se poursuit dans le quatrième tome Octobre noir, le point de divergence avec l'Histoire telle que nous la connaissons se produit en 1914 :
12 septembre 1914. L'Allemagne remporte la décisive bataille de la Marne en appliquant jusqu'au bout le plan d'invasion Schlieffen. Le 9 janvier 1915, le Président français Poincaré signe l'armistice. Refusant la capitulation, le Tigre Clemenceau, épaulé par ses anciennes brigades mobiles, quitte la France. Avec l'appui de la flotte française, il gagne Alger d'où il organise la résistance.
Après avoir lu les quatre premiers volumes de la collection Jour J (Les Russes sur la Lune, Paris, secteur soviétique, et le diptyque composé de Septembre rouge et Octobre noir), j'ai sauté volontairement quelques albums de la série pour me consacrer à des uchronies qui ‘intéressaient plus que celles proposées dans l'ordre strict de parution.
Dans Vive l'Empereur !, le septième volume de Jour J, l'Histoire a divergé de son cours normal en 1802, lorsque Napoléon Bonaparte a signé un traité avec le Royaume-Uni pour se partager le monde : l'Empire français prenait possession du continent européen tandis que les britanniques pouvaient assouvir leur domination sur le reste du globe, notamment le continent nord-américain qui a été reconquis par les anglais.
En 1925, la dynastie napoléonienne est toujours au pouvoir et domine un empire qui englobe toute l'Europe continentale. L'invention de Nikola Tesla, l'électricité, a été utilisée par l'Empire pour développer une technologie et un armement qui dépasse ceux de leurs rivaux. Deux autres puissances entourent en effet l'Empire français : la Grande-Bretagne, toujours surpuissante sur les mers, et la Chine, qui a étendu son influence jusqu'aux frontières orientales du territoire napoléonien. En Europe, les nationalismes ont été étouffés mais la moindre étincelle peut raviver les braises des revendications locales.
Quand le récit débute, Napoléon V, le dernier hériter en date du trône impérial, s'apprête à être couronné en présence du roi britannique, reçu à Paris pour la première fois depuis plus d'un siècle. Une invention d'Arturo Fermi, capable de générer une énergie incroyablement puissante, fait l'objet de la convoitise des ennemis de Napoléon. Un capitaine déchu de l'armée impériale est alors contacté pour empêcher le pire.
L'album est ensuite un récit classique d'action, d'espionnage, et de complot international. Cela fonctionne plutôt bien, et j'ai vraiment aimé le cadre de cette histoire alternative. On retrouve, dans des rôles plus ou moins différents, plusieurs personnalités de notre Histoire : Philippe Pétain est un colonel de l'armée napoléonienne, décrit comme “antipathique, zélé et efficace”, le caporal autrichien Adolf Hitler est un terroriste d'une société secrète germanique qui s'en prend aux traitres et aux juifs, et on aperçoit également Jaurès, Trotsky, Gaston Leroux et Albert Londres. Sont également cités, de façon plus anecdotique, De Gaulle et Staline. Sans oublier Mata Hari, la danseuse-espionne qui est l'antagoniste principale du récit.
J'ai trouvé cet album plutôt réussi. Comme c'est souvent le cas depuis que j'ai commencé à lire cette collection, l'intérêt vient surtout du cadre historico-uchronique, car l'intrigue elle-même est souvent classique, mais ce sont surtout le cadre alternatif décrit dans l'album et les conséquences du récit sur la suite de l'Histoire qui sont dignes d'intérêt.
Je poursuis ma lecture des uchronies en bande dessinée de la collection Jour J avec le onzième volume : La nuit des Tuileries.
1795. Depuis l'évasion spectaculaire de la famille royale, la France est en proie à la guerre civile. Marie-Antoinette, régente du royaume après la mort de Louis XVI, est parvenue à mener au combat une armée redoutable, commandée par un mystérieux général. L'armée royale est à présent aux portes de Paris. Pour éviter un ultime bain de sang, un plan désespéré naît dans l'esprit de Danton ...
Après avoir lu les premiers volumes de la collection d'uchronies en bande dessinée Jour J dans l'ordre de parution, je continue désormais à piocher parmi les albums en fonction de mon intérêt pour l'histoire alternative proposée. Celle de ce dix-septième album me semblait prometteuse :
Carlo Maria Buonaparte, avocat victime des vendettas corses, décide de partir pour les Amériques. Dans ce Nouveau Monde en pleine révolution, il s'engage auprès des rebelles américains et devient l'ami du plus célèbre d'entre eux, George Washington. Avant de mourir sur le champ de bataille, il fait promettre au père de la nation américaine de devenir également celui de son fils, le jeune Napoléon.
Si le point de départ est un peu tiré par les cheveux (le père de Napoléon s'exile en Amérique et devient un fidèle de George Washington, au point que le premier président américain adopte son fils Napoléon), j'espérais une histoire sympathique à partir de cette idée atypique.